À la Santé du nouveau Gouvernement ! Propositions pour agir.

Dominique Maigne et Pascal Maurel, Paris – Le nouveau Président est maintenant connu, restent les législatives. Mais, sans attendre, les enjeux doivent être clairement posés bien au-delà des quelques propositions de campagne. Un observateur attentif du secteur de la santé, Pascal Maurel, et l’un de ses acteurs reconnus, Dominique Maigne, ont travaillé à quatre mains. Ils prennent le risque d’un exercice difficile : proposer au prochain Gouvernement une réflexion et une vision sur les actions à mener sans attendre. Le débat est ouvert.

 

L’action publique est indispensable en santé et il ne faut pas l’affaiblir, contrairement à ce qu’ont proposé certains candidats. Mais une réponse publique ne signifie pas, a contrario, une étatisation des approches et des structures de soins. Il convient plutôt de favoriser la « plasticité » des réponses dans un cadre national défini et accepté par les élus, les professionnels et les citoyens. Le rôle des pouvoirs publics est de favoriser, pêle-mêle, des soins de qualité, la prévention des maladies, la bonne organisation de la santé, l’information des citoyens, la formation des soignants ainsi que l’innovation et le progrès médical dans le domaine de la recherche fondamentale et clinique. La France a une place de choix dans tous ces domaines même s’il convient d’être vigilant quant au dynamisme et aux moyens affectés à la recherche médicale et à l’organisation de la santé.

Mieux soigner, mieux gérer

Les réformes nécessaires visent à mieux soigner les malades dans un cadre économique supportable pour les finances publiques. Ce qui impose de s’interroger sur la manière de bien dépenser et de mieux couvrir certains besoins de santé.

L’idée du parcours de santé est une démarche pertinente. Cependant, il convient, dans cette nouvelle période qui s’ouvre, de définir concrètement ces approches. Ce qui est très rarement fait. Sous l’effet du développement des maladies chroniques, l’analyse partagée avec les associations de patients est souhaitable. La recension d’expériences locales, de projets et d’expérimentations paraît indispensable en ce début de mandat. Elle sera l’occasion de rencontres avec les professionnels, les soignants et les associations de patients.

L’État au centre mais plus de liberté pour les acteurs

La dégradation des relations entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics est réelle. Elle n’est pas nouvelle et tant à l’hôpital qu’en ville, la défiance est de mise. Cela est d’autant plus surprenant que les efforts de l’État ont été importants. Ils doivent le rester et l’État ne peut que demeurer le grand ordonnateur du système.

Pour autant il doit accroître la liberté de ses acteurs. La défiance actuelle est en effet source de repli et non d’évolution. Surtout, il est impératif de passer d’annonces de mesures à leur réalisation concrète. Par exemple, en ce qui concerne la télémédecine, les infirmières de parcours en cancérologie, les pharmaciens et infirmiers et la vaccination …

Écouter les soignants

Les soignants doivent être entendus et pas seulement les médecins. Peu de choses ont été faites pour les infirmiers depuis les années deux mille. De leur côté, les pharmaciens, les sages-femmes et de nombreuses catégories professionnelles ne se sont pas sentis écoutés. Ils contestent toutes les réformes depuis plusieurs années, le dialogue et le rapport de forces leur ayant été défavorables.

Le nouveau Président de la République peut, par son approche transversale, ne pas être lié à quelques lobbys professionnels puissants. Sa mission est de tenter de les unifier au travers d’objectifs partagés. Plusieurs mesures et pistes d’évolution doivent être arrêtées rapidement par le nouveau Gouvernement : coopérations et transferts de compétences, formations initiale et continue plus ouvertes sur les questions de santé publique, d’économie, de management, de pratiques avancées …

Une Convention Santé qui fixe le cap

Une Convention Santé pourrait ouvrir ce nouveau mandat. Il s’agirait, en trois mois, de décliner les grands axes de la politique du Gouvernement mais également de permettre aux professionnels et aux associations de proposer une nouvelle manière de diriger le système de santé.

Nous prônons six débats régionaux et un débat national avec l’apport de contributions. Ces débats devraient s’articuler sur des diagnostics et des propositions fondées sur des retours d’expériences (expériences innovantes de facilitation de l’accès à la santé développées par les établissements de santé ou autres…). Et ce, afin de ne pas se cantonner à des visions velléitaires.

Ils engageraient les gestionnaires, les soignants et les patients au-delà des seuls syndicats. Nous proposons que des mesures spécifiques soient annoncées en direction des plus jeunes professionnels de santé.

Ouverture du numerus clausus pour la jeunesse soignante

Une formation de six mois ou d’un an à l’étranger pour les étudiants en santé, dans le cadre d’échanges européens, est à prévoir pendant leur cursus. Ces formations pourront être proposées autour de grandes thématiques qui auront trait à la recherche, aux soins, à la prévention, au social, au médico-social… Sans oublier le renforcement des aides à l’installation mais aussi les formations au management, à l’économie…

Une ouverture du numerus clausus s’impose afin de permettre aux jeunes professionnels motivés d’accéder aux métiers de soignants. Il est également nécessaire de favoriser les passerelles entre les métiers de la santé. Pour encourager l’installation de professionnels dans les territoires fragiles, il convient d’inciter les professionnels à s’y installer. En la matière, la contrainte n’est pas envisageable. En revanche, on doit proposer aux jeunes professionnels, dans le cadre de contrats d’installation de trois à cinq ans, d’exercer dans ces territoires avec, à la clé, des aides à l’installation significatives. 

Lutter contre les inégalités sociales de santé

L’accès aux soins est un sujet important dans le contexte français d’augmentation des inégalités sociales de santé, du tiers payant, des GHT (Groupements hospitaliers de territoire), des évolutions technologiques ou encore, de l’attention de plus en plus grande accordée à l’expérience patient. 63 % des Français se disent aujourd’hui satisfaits de l’accessibilité aux soins contre 70 % en 2016 (Étude Santé 2017 réalisée par Deloitte). Cependant, formulé ainsi, le sujet est recentré sur le système sanitaire, laissant de côté le volet médico-social et la prévention.

Il est indispensable d’analyser et d’améliorer les leviers de l’accès aux soins : l’organisation des soins de premier recours, les modalités de financement et de paiement des soins, le niveau d’information et d’éducation de la population, l’articulation entre la santé et le médico-social, les modes de rémunération des professionnels de santé, le degré de centralisation du système, le déploiement des nouvelles technologies du type télémédecine mais aussi les technologies de l’information et de la communication.

La question économique est majeure puisque près d’un Français sur deux renonce aux soins en raison de leur coût trop élevé. La question du partage du financement entre l’État, l’Assurance maladie, les complémentaires et les patients est incontournable. Elle doit être traitée autour de modèles économiques des établissements de santé à partir de la qualité et de la pertinence des soins. L’idée est de créer des forfaits sur des épisodes de soins et de solidariser financièrement les professionnels libéraux et hospitaliers sur des parcours de soins.

La santé et le développement économique

La question de l’organisation de l’offre de soins est, elle aussi, importante puisque le renoncement aux soins est également lié à la difficulté d’obtenir un rendez-vous dans des délais convenables (déserts médicaux, problèmes d’information). Or, en la matière, la e-santé bouleverse la donne. Les évolutions technologiques et le progrès médical sont donc à encourager, notamment la e-santé qui favorise l’ambulatoire et les soins au domicile des malades.

Par ailleurs, le maintien de notre compétitivité nécessite d’améliorer l’ensemble de l’écosystème de recherche fondamentale et clinique : priorité stratégique des institutions dotées d’équipes et de structures dédiées en interaction étroite avec les structures de recherche, liens dynamiques entre tous les acteurs (académies, agences, industriels), facilitation de l’accès au marché pour les innovations thérapeutiques les plus bénéfiques aux patients.

En outre, la question du prix des médicaments et des technologies ne peut plus être évitée. Dans cette optique, les marges de négociation avec les laboratoires doivent être exploitées au maximum. Il n’y a pas de raison que les États ne soient pas des acheteurs avisés et exigeants. Les travaux économiques actuels sont nombreux mais restent très influencés par l’industrie pharmaceutique et par une vision très favorable aux entreprises internationales financiarisées. De ce point de vue, l’État doit veiller à exercer son rôle avec un souci d’équilibre.

Éclairer la population dans ses choix

Le défi démocratique est à relever pour éclairer la population dans ses choix : conférences de consensus, jurys citoyens, sites d’information… Un vrai Parlement des patients doit être créé. Il convient également de renforcer l’information validée des citoyens afin que ces derniers aient une vision juste des enjeux de santé. L’État doit engager de véritables plans de communication. Le système des class actions est à prolonger or, il a été seulement ébauché. 

Une pluralité à conforter

Notre système a la chance de bénéficier d’hôpitaux et de cliniques de qualité ainsi que d’une offre de médecine de ville qui assure les soins de premiers recours. Il convient de ne pas les opposer.

La question du financement des structures est à penser en fonction des situations, la tarification à l’activité étant adaptée à de nombreux soins chirurgicaux. Elle favorise le dynamisme des établissements. En revanche, elle est inadaptée à des secteurs comme la psychiatrie et la gérontologie.

De même, faut-il soutenir les professionnels de santé libéraux dans la gestion de leurs activités. La Sécurité sociale peut les aider à avoir des secrétariats mais aussi à bénéficier d’aides technologiques à la prise en charge de leurs patients (prise de rendez-vous, suivi des malades…). Quant à la télémédecine, elle a vocation à être favorisée mais pas en remplacement des professionnels de santé. Elle peut constituer une aide à l’exercice professionnel et au suivi des malades.

Notre mixité de prise en charge doit être maintenue. Des structures de type centre de soins et maison de santé doivent être favorisées, notamment dans les zones marquées par une faible démographie.

Communiquer, aider

Le principe des Agences régionales de santé est à maintenir. Néanmoins, on doit leur donner davantage d’autonomie dans le financement de services nouveaux. En outre, elles seraient tenues de rendre compte chaque année des travaux réalisés. Par ailleurs, une politique de communication devrait leur être imposée dans le cadre de rencontres régulières avec les associations, les élus mais aussi via Internet.

L’idée de plates-formes de services doit, quant à elle, être encouragée. Celles-ci s’appuieraient sur les acteurs eux-mêmes. Ces services pourraient être centralisés par la HAS (Haute autorité de santé) et l’Anap (Agence nationale d’aide à la performance).


Nos 6 mesures prioritaires

1 • Territorialisation de l’offre de soins combinant maillage de soins et graduation de soins.

2 • Régionalisation qui remettrait réellement en cause une pratique de centralisation excessive.

3 • Réorganisation des services nationaux, notamment regroupement de plusieurs agences sanitaires afin de les rendre plus performantes.

4 • Définition des soins qui doivent être pris en charge.

5 • Réduction maximale des inégalités afin d’assurer une équité de prise en charge.

6 • Implication des citoyens et des associations de patients dans les choix politiques.


Les auteurs

Dominique Maigne

Dominique Maigne est Directeur de la Haute autorité de santé (HAS). De 2001 à 2016, il a dirigé la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer qu’il a transformée en Unicancer. Entre 1980 et 2000, il a exercé en qualité de chef d’établissement dans plusieurs hôpitaux de la région Paca, en court séjour et en santé mentale, ainsi que dans le secteur privé non lucratif.

Dr Pascal Maurel

Dr Pascal Maurel est journaliste-éditorialiste, enseignant au Cnam et à l’Université de Montpellier 2 sur les sujets d’information et de communication en santé. Il est par ailleurs Président du groupe Santé de Sciences Po (Alumni) et de la commission Information et Communication de la Fédération nationale de la presse spécialisée. Après avoir été le Directeur de Décision Santé au sein du Groupe Profession Santé, il a créé, en 2017, le cabinet de conseil Ortus. Il est également conseiller éditorial de Presse Infos+.